3 questions à ... Vestine Nahimana, présidente du Conseil national de la communication du Burundi

Par Admin / CNC - le 28-09-2023

Après Karim Ibourki, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel de la Fédération de Wallonie-Bruxelles et Babacar Diagne, président du Conseil national de régulation de l'audiovisuel du Sénégal, 3 nouvelles questions ont été adressées à Mme Vestine Nahimana, présidente du Conseil national de la communication du Burundi. Ses propos ont été recueillis par voie électronique le 26 septembre 2023.

2023_09_26 - Vestine NAHIMANA - CNC Burundi (1080x1105)

Amb. Vestine NAHIMANA, présidente du Conseil national de la communication du Burundi - Septembre 2023 - (C) CNC
Vous avez déjà exercé la présidence du Conseil national de la communication (CNC) entre 2007 et 2010 et après une riche expérience ministérielle et diplomatique, vous avez retrouvé les commandes du régulateur des médias burundais en mars 2022, après avoir être élue par vos pairs. Quel regard portez-vous sur l’évolution du secteur médiatique depuis votre première présidence ? Quelles sont les évolutions qui vous ont le plus marquée ?

« Effectivement je suis la figure qui a marqué le premier mandat du Conseil national de la communication du Burundi et qui a mis en œuvre la loi n° 1/18 du 25 septembre 2007 portant missions, composition, organisation et fonctionnement de cette Institution. L’exercice de se mandat mis en place par décret n° 100/25 du 29 janvier 2008 portant nomination des membres du Conseil national de la communication était caractérisé par une période pré-pendant et post-électorale. Vous comprenez qu’il s’agissait d’un mandat tout à fait difficile pour plusieurs raisons :

  • L’installation du CNC sur tous les points de vue, je dirais tant organisationnel que logistique ;
  • La prise de conscience des médias sur un organe de régulation fonctionnelle doté d’un cadre légal et du personnel ;
  • La régulation dans un contexte nouveau vu les institutions nouvelles qui venaient d’être installées par les élections de 2005 ;
  • La période très difficile de réguler les médias pendant la période électorale ;
  • La régulation dans un contexte de pluralisme médiatique et politique qui jadis était presque tabou.

Le regard que je porte sur l’évolution du secteur médiatique depuis ma première Présidence, c’est que le paysage médiatique a changé de façon exponentielle en termes de nombre et d’idée. A l’époque, il n’y avait que les radios et télévisions classiques ainsi que la presse écrite. Aujourd’hui, on observe la presse en ligne qui a presque occupé tout le terrain du monde médiatique ce qui devient un défi pour le Régulateur actuel que nous sommes.

Quant à l’évolution que je peux remarquer, c’est que les médias n’ont plus peur du Régulateur, ils ont déjà compris le rôle et les missions qui lui sont dévolus et ont dû comprendre la nécessité de se rapprocher du régulateur pour leur servir de protection étant donné qu’il est le seul garant de la liberté d’expression.

La loi au Burundi évolue si bien que les changements (loi sur la presse) ont toujours eu lieu dans l’objectif de faire respecter l’expression pluraliste des courants de pensées dans la presse et la communication.

Mon retour à la Présidence du Conseil national de la communication pour la deuxième fois est un signe éloquent de confiance de la part de l’autorité hiérarchique qui a bâti en ma personnalité une diplomate achevée digne de son nom et capable de mettre à profit les expériences acquises dans divers services ou dans diverses assises qui ont dirigé le monde pendant ma carrière d’administratif de haut niveau. Les médias burundais sont en train de jouir de cette expérience à travers l’exercice de ce deuxième mandat de Présidente du CNC du Burundi. A cet effet, je ne ménage aucun effort pour marquer la différence de la manière dont j’ai exercé à l’époque et de la façon dont j’assure mon rôle de Régulateur actuel.
Certes, je ne suis pas sûre de satisfaire 100 % étant donné que le paysage médiatique a aussi changé conformément aux exigences du monde moderne mais je compte marquer aussi mon passage au CNC de façon positive. »

La lutte contre la désinformation constitue l’un des sujets les plus partagés par les membres du REFRAM, comment envisagez-vous cette problématique au CNC ? Plus généralement, quels constats et quels remèdes voyez-vous pour contribuer à lutter contre le fléau des mauvaises et fausses informations ?

« Depuis déjà un certain temps, le Conseil national de la communication, dans son rôle de régulateur du secteur de la communication, s’emploie à œuvrer pour l’effectivité des droits à l’accès à l’information potable et à l’amélioration des conditions de travail des médias, dans leur diversité.

A l’heure actuelle, les médias sociaux constituent le nid le plus idéal pour la propagation des rumeurs et des fake news. Ils ont une caractéristique particulière : leur capacité à diffuser de manière très large et extrêmement rapide une information. Très souvent d'ailleurs, l'information circule bien avant d’avoir pu être comprise ou vérifiée. Ce qui évidemment est la source de toutes les dérives. A l’ère de Whatsapp et Facebook (pour ne citer que ces canaux), nous sommes tous d’accord que les rumeurs et les fake news ont aujourd’hui une visibilité disproportionnée par rapport à celle qu’elles avaient avant.

Au Burundi, comme partout ailleurs, le caractère oral (oralité) des émissions radio-télévisées et leur partage sur les réseaux sociaux permettent d’atteindre une large audience, ce qui n’était pas possible autrefois. Pire, les messages aux allures de ragots et rumeurs sont partagés à travers la toile, d’une part par ceux qui passent pour des professionnels et d’autre part des intellectuels ayant même occupé dans le temps certaines hautes fonctions, et de ce fait, pouvant bénéficier de la crédibilité aux yeux des gens dépourvus de discernement.

Le Conseil national de la communication du Burundi recommande souvent aux témoins actifs d’envoyer un message de désapprobation aux auteurs des messages de la haine et de la désinformation. Ce qui a été jusqu’ici bien fait. Notre travail de tous les jours consiste à dire : « Que tout un chacun donne sa contribution pour que la paix, qui est une réalité aujourd’hui au Burundi, soit consolidée. Et que le contrevenant sera sanctionné suivant la législation en vigueur, qu’il soit ici au Burundi ou à l’extérieur ».

Au Burundi, les messages de haine ne passent pas uniquement par la parole mais aussi par les images. A l’ère des réseaux sociaux, l’on observe une propension à diffuser des images choquantes. D’abord toute image véhicule un message et ce message est différemment apprécié. Un sémioticien italien disait que le message n’est pas un paquet clos mais un paquet ouvert qu’on renouvelle à chaque transmission.

Avec le manque de professionnalisme, par simple ignorance, par souci de faire du buzz ou tout simplement par envie de fâcher, certains journalistes de la presse en ligne font circuler des photos et vidéos choquantes sur la toile.

Face à cette situation ; le Conseil national de la communication a toujours multiplié des séances de sensibilisation à l’endroit des médias, des acteurs de la société civile, des dirigeants des partis politiques, des responsables administratifs contre ces messages.

Mais pourquoi la partager dans des groupes Whatsapp ? Est-ce que les gens réalisent le ressenti des proches de la victime lorsqu’une telle image ou discours qui circule sur les réseaux sociaux.

Les personnes qui partagent les fake news (NdlR : fausses informations) sur les réseaux sociaux n’ont pas forcément conscience qu’elles participent à une campagne de désinformation. Souvent, certaines personnes pensent qu'en ajoutant « vu sur le web », « partagé comme tel », « info à vérifier », « tiré d’un autre groupe Whatsapp », ... elles contribuent à l'éclosion de la vérité alors qu'en réalité elles permettent à l'intox de faire son bonhomme de chemin.

C’est pourquoi nous proposons une série de pistes pour y faire face :

  • Introduire dans les écoles secondaires et universitaires un programme sur la lutte contre les messages de haine, comment ils se traduisent et quels sont leurs effets dévastateurs sur la vie des communautés ;
  • Créer ou renforcer les centres de formation des médias pour la professionnalisation des journalistes qui traitent des questions politiques ;
  • Que les médias multiplient dans leurs programmes des thématiques qui prônent la vie et non la destruction surtout que, pour un individu, vérifier les informations n’est pas simple. Les journalistes doivent jouer ce rôle.

Il sied aussi que les communicants officiels soient suffisamment outillés sur la gestion des fake news et pour une bonne prise en main de la communication gouvernementale. Je vous invite donc à la réflexion bien nourrie, à la rigueur dans l’analyse de tous les axes de ce plan, à la précision dans les propositions, en acceptant de donner et de recevoir. »

Que représente pour vous le REFRAM, quelles sont vos attentes à l’égard du réseau ? Y a-t-il un sujet ou une question, notamment en matière de régulation des plateformes en ligne, que vous souhaiteriez partager avec vos homologues du REFRAM ?

« Convaincu qu’une « seule hirondelle ne fait pas le printemps », le Conseil national de la communication a toujours tissé et entretenu des relations de collaboration avec de nombreux acteurs institutionnels, des partenaires au développement et des médias et des autres instances de régulation dans le monde. C’est dans ce cadre qu’en faisant partie intégrante du REFRAM, le Conseil national de la communication du Burundi se sent fier d’apporter une partie de ses connaissances afin d’enrichir les orientations du REFRAM pour consolider la communauté des régulateurs.

C’est également dans cet esprit de partage et de concertation que le REFRAM offre plusieurs opportunités au CNC Burundi pour un renforcement de ses capacités. Le REFRAM est aux yeux du CNC un large panel d’acteurs ou de bénéficiaires pour mener une réflexion profonde sur les désastres souvent générés par la pollution de la communication à travers les fake news qui pullulent sur la toile et se convenir sur la manière d’y faire face à défaut de les bannir des plateformes de communication numériques à jamais.

Le sujet qui nous tient le plus à cœur est : « Comment parvenir à garder des liens de collaboration étroits entre les régulateurs des pays africains et les gestionnaires des plateformes de communication globales (Youtube, les GAFA, X…) ? ». »

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